« Mais c'en est trop sur la musique; enseignez-la comme vous voudrez pourvu qu'elle ne soit jamais qu'un amusement (1) » Jean-Jacques Rousseau
Déjà Rousseau (1712-1778), instigateur des grands courants pédagogiques, avait compris une chose fondamentale dans la musique : elle existait bien avant le système inventé pour la noter. De la même manière que l'enfant sait parler avant de savoir lire et écrire, il sait chanter avant de lire les notes sur la portée, il sait taper du pied et taper des mains avant de lire le rythme. Alors pourquoi aller contre l'ordre naturel des choses? « La pratique d'abord, les règles et l'écriture par la suite. (2) »
Un des principes essentiels de l'éducation dite négative de Rousseau, qualifiée par l'apparente passivité du maître, est de traiter l'élève selon son âge. Plusieurs pédagogues et psychologues aborderont dans le même sens et ce principe sera à la base des méthodes de pédagogie active. Piaget (1896-1980) les qualifie de méthodes « utilisant les tendances propres à l'enfance ainsi que l'activité spontanée inhérente au développement mental. (3) » Une de ces tendances propres à l'enfance, si chère au pédagogue Fröbel (1782-1852), c'est... le jeu.
Les recherches en pédagogie ont démontré que, pour initier les élèves à la musique, il est préférable de commencer par ce qu'ils connaissent déjà plutôt que de les confronter à un système de notation abstrait. Avant d'apprendre à jouer d'un instrument, qui est une prolongation du corps, l'enfant doit apprendre à maîtriser son corps. Les petits nous le montrent d'ailleurs constamment : ils adorent lorsque des gestes accompagnent les chansons et les comptines.
La rythmique de Jaques-Dalcroze se fonde sur ce principe de solfège corporel. Par la marche, l'emploi de balles, de foulards et de cerceaux, l'enfant prend conscience concrètement des différents aspects de la musique : le rythme, la pulsation, les variations de tempo et de nuances, les dessins mélodiques, etc. (4)
« En musique, l'esprit des méthodes actives se manifeste dans toute situation où l'élève est amené à faire de la musique bien avant d'en apprendre la théorie. Toute la fonctionnalité de cette approche réside dans le rôle central du chant, des jeux rythmiques corporels et de la manipulation d'instruments simples. (5) »
Voici quelques exemples d'activités qui s'inscrivent dans les méthodes de pédagogie active.
La rythmique Jaques-Dalcroze
La rythmique Jaques-Dalcroze se fonde sur la musicalité du mouvement et l'improvisation. Plusieurs exercices très simples s'en inspirent directement, comme marcher sur la pulsation, jouer à la statue (figer quand la musique arrête) ou improviser une danse. Voici plusieurs exemples :
Percussions corporelles
Les percussions corporelles peuvent être interprétées sous forme de question-réponse, où les élèves imitent l'enseignant, ou encore faire l'objet d'une activité d'interprétation ou de création plus élaborée.
Dans l'exemple suivant, il n'y a aucune figure de note du langage musical conventionnel, ce qui n'empêche aucunement la partition d'être très claire ;)
Les percussions corporelles peuvent aussi être utilisées pour intégrer des séquences rythmiques avant de les interpréter sur un instrument de percussion. Par exemple, taper des mains à l'endroit où on prévoit jouer des claves ou du tambourin, faire un trémolo de claquements de doigts ou un trémolo sur les cuisses à l'endroit où on prévoit utiliser des grelots ou des maracas, ou créer une séquence complexe où les parties du corps sont associées à un endroit différent sur une chaudière (bucket drum).
Danse du foulard
Voici un exemple de danse du foulard qui fait ressortir la forme, les dessins mélodiques et le caractère de la musique.
Just dance
Remarquez à quel point les mouvements mettent en valeur la pulsation, la forme de la musique et certains effets sonores.
Jeux de balles et ballons
Voici des exemples d'exercices qui intègrent les balles et les ballons.
Voilà quelques pistes fondées sur la recherche pour rentre l'enseignement de la musique plus concret, moins théorique et surtout... plus amusant!
Références
(1) Jean-Jacques Rousseau, Émile ou de l'éducation, O.C. vol. IV, Paris, Gallimard, p.405-407, cité par Claude Dauphin dans Rousseau, Rêver la pédagogie, exposé préparé pour le cours MUS7002 - Approches historiques et philosophiques de la pédagogie musicale, UQÀM, 2007, p.3.
(2) Michel Termolle, « L'éducation négative dans l'apprentissage de la musique », dans Musique et langage chez Rousseau, Études présentées par Claude Dauphin, Voltaire Foundation, Oxford, p.138.
(3) Jean Piaget, Psychologie et pédagogie, Éditions Denoël, Paris, 1969, p.221.
(4) Claude Dauphin, « Les grandes méthodes pédagogiques du XXe siècle », p.836-839 dans Musiques, Une encyclopédie pour le XXIe siècle, 2, Les savoirs musicaux, sous la direction de Jean-Jacques Nattiez, Actes Sud / Cités de la musique, 2004.
(5) Idem, p.833.
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